LES CHANGEMENTS D'ÉTATS DE LA MATIÈRE

        IV- Échanges d'énergie liés aux changements d'états


      1) Refroidissement de l'eau par évaporation

    Entourons le réservoir d'un thermomètre placé depuis longtemps dans la pièce, d'un morceau de coton imbibé d'eau tiède. La température monte, puis redescend en dessous de la température de la pièce. L'évaporation de l'eau provoque un refroidissement. C'est ainsi que le corps humain peut se refroidir grâce à la sueur.
    Dans l'eau, les molécules ne vont pas toutes à la même vitesse. Seules les plus rapides peuvent se décrocher quand elles sont à la surface, donc peuvent s'évaporer. Dans le liquide, il ne reste donc au bout d'un certain temps que les molécules lentes, et le liquide se refroidit. Mais dans ce cas, la vapeur devrait être plus chaude puisqu'elle contient toutes les molécules précédemment rapides!
    Il n'en est rien, car en quittant le liquide, les molécules sont retenues en arrière par les molécules à la surface et ralentissent, comme un caillou qui ralentit en montant en l'air en étant tiré en arrière par la Terre. Ces molécules se refroidissent en perdant de l'énergie cinétique et en gagnant de l'énergie potentielle (idem, pour le changement d'état solide liquide, car les molécules sont plus liées dans le solide, et ont donc une énergie potentielle plus faible; (voir l'animation du paragraphe 3). Il se trouve, comme le montre l'animation du paragraphe suivant, que ces deux phénomènes se compensent exactement pour la statistique des vitesses des molécules (Maxwell-Boltzmann, gaussienne). Le liquide et sa vapeur sont plus froid, globalement, toutes les molécules vont moins vite, mais le liquide est en équilibre thermique avec la vapeur. Ils sont tous les deux à la même température. Ainsi, quand un liquide se transforme en vapeur par exemple (ou un solide en liquide), de l'énergie cinétique (liée à l'agitation thermique) se transforme en énergie potentielle. L'énergie cinétique diminue, donc l'agitation thermique, donc la température. On dit qu'il y a des échanges d'énergies liés aux changements d'états.

      2) Preuve de l'égalité de la température entre les deux états

    Dans cette animation, on se place dans la théorie du champ moyen. L'attraction mutuelle qui rassemble les molécules dans le liquide est représentée par un puits de potentiel. On fait ensuite une analogie avec la gravitation. On lance des billes qui glissent parfaitement sur un rail, mais le rail présente une marche. Lorsqu'on suit une bille particulière, elle va moins vite une fois arrivée en haut. Cependant, les billes très lentes n'arrivent pas à monter. La marche sélectionne donc les billes rapides. Les deux phénomènes se compensent exactement pour la répartition statistique des molécules (gaussienne), et la moyenne du carré de la vitesse, donc la température, est la même en bas et en haut.

    Dans l'animation, on utilise le principe ergodique. Les moyennes spatiales sont égales aux moyennes temporelles. À droite, on fait donc une moyenne temporelle. Il faut donner à v2 un poids statistique proportionnel au temps passé en haut, et également à la vitesse en bas, car pour une distribution de vitesse en bas, le flux de celles qui passent à droite est proportionnel à leurs vitesses.

      3) Conséquence de l'échange d'énergie : palier de changement d'état

    On voit sur l'animation du II   1, que la température de changement d'état se détermine avec précision. En fait, pour la plupart des corps, le changement de comportement collectif des molécules quand on passe la température de changement d'état est très brutal. Le changement d'état devrait alors se propager à la vitesse du son dans la substance, et par exemple, dès qu'on franchit la température de O°C, un glaçon devrait totalement se transformer en eau en une fraction de seconde. Ainsi, ce qui est surprenant, ce n'est pas que la glace se transforme en eau exactement à 0°C, c'est que ce soit lent! La solution à ce paradoxe vient de l'échange d'énergie associé au changement d'état. L'animation ci-contre à droite, montre la diminution de mouvement quand on permet aux billes de monter en haut, donc d'acquérir de l'énergie potentielle. On rajoute un terme à cette moyenne, à chaque fois qu'une bille frappe le mur de gauche. Ainsi, une augmentation de vitesse des billes leur permet de monter, mais cette ascension les ralentit. D'autre part, les lentes reviennent plus souvent à gauche, car elles ne montent pas. On a une rétroaction négative. Une élévation de température fait fondre un peu de glace, mais à cause de l'échange d'énergie associé, cette fusion fait baisser la température aussi bien pour la glace que pour l'eau. La conséquence détruit la cause. C'est exactement ce qui se passe, quand un glaçon fond, ou quand de l'eau s'évapore. Ainsi, dès qu'une petite quantité de substance change d'état, la température redescend un peu en dessous de la température de changement d'état, et ce dernier s'arrête, si l'on n'apporte pas d'énergie au système. La fusion d'une masse m d'eau nécessite ainsi l'énergie L m, L s'appelant la chaleur latente de fusion, et si la puissance de chauffage est P, cela nécessite la durée t telle que P t = L m. Idem dans l'autre sens pour la solidification de l'eau.

Il en résulte que pour un mélange d'eau et de glace, la température reste nécessairement bloquée à 0°C, tant que les deux états sont présents. Une légère augmentation de température au dessus de 0°C, fait fondre rapidement la glace jusqu'à ce que la température redevienne 0°C. C'est ce qu'on appelle le palier de changement d'état. Pour conclure, l'existence du palier de changement d'état est la conséquence de deux choses :
    1) l'extrême sensiblité du comportement collectif des molécules à la température.
    2) l'échange d'énergie entraînant une rétroaction négative.
    Jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, le plateau de température de la congélation était inconnu, et l’on pensait qu’il suffisait de chauffer un peu un corps solide à son point de fusion pour que, sa température augmentant un peu, il fonde totalement ; l’Écossais Joseph Black montra qu’il n’en était rien vers 1760. Voir à ce sujet l'animation de ce lien : ne pas mettre de sel, faire tout geler en mettant une température très négative, puis voir comment la fusion est très rapide dans l'animation quand on passe de 0° à 1°. Dans l'animation, on n'a pas modélisé la rétroaction négative!

Pour l'équilibre liquide vapeur, nous verrons que la température de changement d'état dépend de la pression de la vapeur, et nous aurons un palier uniquement si la pression reste constante. De même, pour de l'eau salée, nous verrons que la température de congélation dépend de la concentration en sel, or cette concentration varie lors du changement d'état, la glace ne contenant pas de sel. On aura un palier uniquement si la concentration de sel peut être considérée comme constante. Cela se produira si l'eau salée est en excès par rapport à la glace, ce qui est le cas de la mer, ou si la solution de sel est saturée (excès de sel). Dans ce cas, le palier est à -21,6°C.
    Cest pour cette raison, qu'on dit qu'on a un palier uniquement pour les corps purs, et pour le changement d'état liquide vapeur, uniquement si la pression est constante.

      4) Vidéo sur le palier de changement d'état

    On plonge un tube à essai rempli d'eau pure dans un mélange réfrigérant à -18°C. On observe bien un arrêt de l'évolution de la température quand l'eau et la glace sont présentes simultanément. La surfusion est expliquée au chapitre V. L'obtention du mélange réfrigérant est expliquée au chapitre VI

    Suite : surfusion.
    Comme nous le verrons au chapitre VII (bouillant de Franklin), un liquide est en équilibre avec sa vapeur dans un récipient clos, à une température donnée, quand la vapeur est à une certaine pression. Si on fait chuter cette pression, le liquide se met à bouillir, ce qui provoque un refroidissement intense. Ce phénomène est utilisé dans les réfrigérateurs. Voir l'animation ci-dessous pour l'explication du refroidissement
    Cette animation s'applique aussi à l'expérience avec la bombe soufflante pour éliminer la poussière ci-dessus. Il suffit de remplacer solide-liquide par liquide-gaz. Le mur qui maintient les billes en bas et qu'on enlève correspond à la vapeur sous pression qui bloque les molécules dans le liquide et qu'on enlève en pressant pour souffler.