LA MÉTÉOROLOGIE

        IV- Les perturbations du front polaire


      1) Origine du front polaire

    Par les échanges entre les différentes régions dus au brassage de l'air par le vent, l'atmosphère a tendance à tourner en bloc autour de l'axe des pôles, entraînée par la rotation de la Terre. Mais la plus grande partie de la surface terrestre se situe entre les deux tropiques, du fait que les parallèles se resserrent pour se réduirent à un point quand on arrive au pôle. En altitude, dans nos régions, l'atmosphère va donc, entraînée par l'air des tropiques, vers l'est plus vite que le sol. Les vents d'ouest sont donc dominants. Peu à peu, sans échanges entre le nord et le sud, l'air au nord se refroidit, et l'air au sud se réchauffe. La différence de température entre le nord et le sud augmente. On peut montrer en effet, que la force de Coriolis empêche, à ces latitudes, qu'il puisse se former une cellule du type de la cellule de Hadley qui emmènerait l'air au nord en altitude et ramènerait l'air au sud dans les basses couches. La force de Coriolis, importante à ces latitudes, donne une certaine rigidité verticale aux masses d'air, reliant ainsi le vent en altitude au vent au sol et empêchant de grandes différences entre les deux (théorème de Taylor-Proudman). Ce phénomène est bien mis en évidence dans la vidéo ci-dessus à droite tirée du site de ce lien. On voit sur la photo à droite de la vidéo que l'obstacle occupe une faible épaisseur au fond du récipient, et pourtant, les petits confettis noirs qui flottent à la surface de l'eau l'évitent. Le récipient tourne de façon à développer une force de Coriolis, et l'eau se déplace par rapport au récipient du fait d'un ralentissement brusque de ce dernier.

    Il peut se produire de grandes oscillations nord-sud des masses d'air dans ce flux d'ouest appelées ondes de Rossby. L'animation ci-contre à droite montre que lorsqu'une masse d'air descend vers le sud, elle se met à tourner dans le sens inverse des aiguilles d'une montre. Il en résulte que, dans la partie sud de cette masse d'air, le vent dû à cette rotation s'ajoute au vent d'ouest. On a localement un vent très fort appelé rapide de jet. Par conservation de la masse du fluide, pour qu'une telle augmentation du vent puisse se produire, il faut que les lignes d'écoulement de l'air, dont on a vu qu'elles sont parallèles aux isobares, se resserrent. La photo ci-contre à droite montre alors qu'à cause du resserrement de ces lignes, il se produit au niveau de la ligne de convergence un front séparant deux masses d'air de températures très différentes : l'air polaire au nord et l'air tropical au sud. En effet, le vent au nord de la ligne de convergence va chercher de l'air très froid qu'il ramène près de cette ligne, et au sud de cette ligne, le vent va chercher très au sud de l'air très chaud qu'il ramène près de cette ligne. La convergence du flux due aux ondes de Rossby provoque donc une frontogenèse. D'autres mécanismes de frontogenèse décrits dans le chapitre sur les jets s'ajoutent à ce mécanisme.


      2) Conservation du moment cinétique

    Observons le personnage qui tourne sur le tabouret : quand il rapproche ses bras de son corps, sa vitesse de rotation augmente. On explique cela en disant que le moment cinétique d'un système isolé se conserve. Le moment cinétique d'une masse m qui tourne vaut : σ = m ω2 r; ω étant la vitesse angulaire de rotation et r la distance au centre de rotation. Si r diminue, ω augmente donc.

    Cette conservation du moment cinétique s'observe déjà, d'une manière évidente pour une particule libre qui avance en ligne droite à vitesse constante. Au fur et à mesure qu'elle se rapproche d'un point fixe O, on observe bien que sa vitesse angulaire augmente, comme le montre l'animation ci-dessous.


    Appliquons ce que nous venons de voir à la météorologie. Lorsqu'une masse d'air en rotation s'amincit en s'étalant, pour une raison ou pour une autre, en passant par dessus une montagne par exemple, sa vitesse de rotation diminue, les masses d'air s'éloignant du centre de rotation. Si la masse d'air ne tourne pas par rapport au sol sous nos latitudes, elle tourne en fait comme la Terre dans le sens inverse des aiguilles d'une montre. Le ralentissement de la rotation absolue sera vu, par rapport à la Terre, comme une mise en rotation dans le sens des aiguilles d'une montre. C'est ce qui est montré dans l'animation ci-contre à droite. À gauche, la France est sensée tourner à la même vitesse que la masse d'air au dessus, puisqu'à droite on voit que, vu depuis le sol, la masse d'air ne tourne pas. Mais en fait on a fait tourner la carte de France un peu moins vite pour ne pas faire mal aux yeux.
    Une application de cela est qu'un vent d'ouest qui passe par dessus une montagne donne un vent de nord-ouest en aval de la montagne, la masse d'air tournant pendant le passage de la montagne. Il se crée une onde de Rossby. Quand l'air remonte ensuite vers le nord, il y a production d'un thalweg. On explique ainsi les vents froids du nord au Canada (passage sur les rocheuses), la frontogénèse à l'est du continent nord américain (voir schéma à droite), ainsi que la dépression du golfe de gênes (passage sur les alpes) et la dépression d'Islande (passage sur le Groenland).


      3) Les perturbations du front polaire

    L'animation ci-dessous montre un modèle de développement d'une perturbation du front polaire. Ce modèle est un peu éloigné de la réalité. Un modèle à deux couches de l'instabilité barocline est beaucoup plus réaliste mais plus difficile à comprendre. Le modèle présenté ici a le mérite de bien montrer le rôle de la conservation du moment cinétique pour le développement de cette instabilité barocline à l'origine des perturbations du front polaire.

    Suite : modèle à deux couches de l'instabilité barocline.