Chapitre Sept
INTRODUCTION À LA RELATIVITÉ GÉNÉRALE
DEUXIÈME PARTIE
10. Le rôle de la Mécanique quantique dans l’existence des étalons de
longueurs et des étalons de temps. - Il faut insister ici sur l’importance
cruciale des étalons de temps (horloges) et de longueurs (règles étalons) pour
mesurer les effets précédents de modification de l’écoulement du temps et de
contraction des longueurs. La Mécanique quantique joue là un rôle essentiel. C’est
la quantification des niveaux d’énergie des atomes qui leur donne une dimension
fixe pouvant servir d’étalon de longueur. Une règle étalon n’est qu’un ensemble
d’atomes mis bout à bout à distances fixes, grâce aux propriétés des solides dues à
la Mécanique quantique. Les transitions atomiques entre niveaux d’énergies
donnent des fréquences fixes pouvant servir d’étalons de temps fiables.
Citons
à ce sujet la définition légale de l’unité de temps : Depuis 1967, l’étalon de durée
est défini par un phénomène de physique atomique : le niveau d’énergie
fondamental de l’atome de césium 133 se décompose en deux sous-niveaux selon la
direction relative des spins de l’électron et du noyau. La fréquence de transition
entre ces deux sous-niveaux est posée comme étant égale à 9 192 631 770 Hz, ce
qui défini la seconde, qu’on appelle seconde de temps atomique. Dans un
univers non quantique, les objets évolueraient continuement (distances
des électrons aux noyaux etc), et il n’y aurait aucun étalon de temps ni
de longueur universel et servant de référence. En ce sens, la Mécanique
quantique est à l’origine des notions de longueur et de temps qui sont à
la base de notre description de l’univers. C’est elle qui est à l’origine du
fait que toutes les molécules d’eau sont identiques par exemple, quel que
soit le traitement qu’elles aient subi, aussi violent qu’il soit. Elle est à
l’origine de la constitution de l’univers en “briques”de différentes sortes,
identiques entre elles dans une espèce donnée et éternelles, c’est à dire ne
vieillissant pas. Ces briques sont à l’origine de nos étalons de longueur et de
durée.
Citons ici NEWTON : “Et c’est pourquoi, afin que la nature soit durable, les changements des choses corporelles doivent consister uniquement dans diverses séparations et nouvelles associations et dans les mouvements de ces particules permanentes”(Newton 1721, p. 375). Un peut plus haut, il définissait ainsi les atomes : “Dieu, au commencement des choses, a formé la matière en particules solides, massives, dures, impénétrables, mobiles... Ces particules primitives étant des solides, sont incomparablement plus dures que n’importe quels corps solides composés d’elles ; elles sont même tellement dures qu’elles ne s’usent ou ne se brisent jamais”. Il fallut attendre la Mécanique quantique pour donner une assise théorique à cette géniale idée des atomes qui prit naissance chez les Grecs tel : DÉMOCRITE (-420, -370). L’impénétrabilité étant due au principe d’exclusion de PAULI, un résultat de la Mécanique quantique. Le fait d’avoir des particules rigoureusement identiques et sans usure est une propriété typiquement quantique. Il résulte de cela l’absence de causalité locale pour un phénomène comme une désintégration; autrement, l’existence de variables cachées locales entraînerait la non identité des particules pour lesquelles ces variables différeraient.
Insistons sur le fait que la Mécanique quantique résout le problème fondamental
qui est de savoir pourquoi il existe, dans notre monde matériel, des formes et
des qualités qui restent pareilles à elles-mêmes; pourquoi, par exemple,
le liquide appelé “eau”se reproduit toujours avec toutes ses propriétés
caractéristiques, que ce soit par fusion de la glace ou par condensation de vapeur
d’eau, ou encore par combustion d’hydrogène. Ceci a, certes été admis en
physique, mais jamais compris.
Nous avons vu ci-dessus que cette
permanence des propriétés de l’eau par exemple résulte de l’invariance dans le
temps des particules constituantes (ici la molécule d’eau) et de la totale
identité de ces particules.
Pour que cette propriété d’identité soit une
propriété physique, il faut qu’elle soit falsifiable (au sens de POPPER). Il
faut donc que chaque type de particule soit parfaitement défini par un
nombre fini de paramètres. Autrement, la vérification expérimentale de
l’égalité des paramètres ne serait pas faisable. Cela implique qu’il y a un
nombre fini de types de propriétés, charge, masse, etc; et que lorsque ces
propriétés peuvent varier, comme l’énergie, les variations sont quantifiées avec
l’existence d’un niveau fondamental. Toute possibilité de variables cachées
locales est ainsi exclue.
La masse précise des particules élémentaires,
quantifiée et ne variant pas continuement, est donc déjà une propriété
typiquement quantique. En effet le fait que l’atome d’hydrogène ait une énergie
bien précise dans son état fondamental, allié à la relation E = mC2 fait
qu’il a une masse bien précise. La masse du proton parfaitement définie,
résulte elle-même de l’existence d’un niveau fondamental bien précis pour les
trois quarks qui le constitue. Le fait que les particules rigoureusement
élémentaires aient une masse bien précise résulte alors de la non-distinction
élémentaire/composé pour les systèmes, ce que nous allons maintenant
examiner.
Détaillons ici le fait, mentionné au § 2 du chapitre 4 , qu’on retrouve dans la
description quantique des particules la non distinction entre les cas élémentaires et
composés vis à vis de l’extérieur : ainsi, tant que l’électron de l’atome d’hydrogène
reste dans son état fondamental, l’atome d’hydrogène se comporte comme un tout,
comme une particule élémentaire, vue de l’extérieur.
En Mécanique
quantique classique, l’électron étant donné, son état dans l’atome d’hydrogène par
exemple se décrit par un vecteur dans un espace de HILBERT. L’état
correspondant de l’atome d’hydrogène est donc décrit par ce vecteur. La
non-distinction élémentaire/composé fait que, en Mécanique quantique
relativiste, l’électron lui-même, et seul, correspond à un état quantique
décrit par un vecteur dans un espace de HILBERT. Ceci correspond à la
seconde quantification. Ceci permet de dire par exemple, que le neutrino
électronique e est un électron dans un état quantique différent.
On
peut alors faire des combinaisons linéaires de particules, c’est à dire des
combinaisons linéaires des vecteurs décrivant chaque particule, le nouveau vecteur
représentant une particule possible. De la même manière, en Mécanique quantique
classique, on peut faire la combinaison linéaire de deux états différents de
l’atome d’hydrogène. Ainsi, la Mécanique quantique relativiste, ne fait pas
de distinction de nature pour les particules, entre les cas élémentaires et
composés.
11. Les étalons de temps et de longueurs. - Nous avons vu au paragraphe précédent comment la Mécanique quantique permet d’avoir des solides (dimensions fixes) pouvant servir d’étalons, et comment elle permet d’avoir des horloges étalons. Voyons maintenant plus précisément comment à partir de là s’est dégagée la notion de temps et la notion de solide indéformable permettant de mesurer les distances.
En ce qui concerne le temps, le problème fondamental est d’arriver à caractériser
avec précision un appareil appelé horloge qui servira à mesurer le temps. La
propriété fondamentale utilisée est qu’il existe une classe de phénomènes
présentant une régularité qui fait que leurs évolutions sont proportionnelles les unes
aux autres. L’un quelconque d’entre eux pourra être pris comme horloge unité
puisque l’évolution des autres lui sera proportionnelle. Le temps devient ainsi une
grandeur mesurable. La conservation de l’énergie correspond au fait
que l’ensemble de tous les mouvements dans l’univers, dans sa
globalité, constitue aussi une telle horloge.
On admet donc
que les durées qu’indiquent ces horloges sont constantes. Mais il importe
de remarquer que cette constance est une définition du temps et n’est
pas une loi physique (ce qui est une loi physique c’est l’existence de cette
classe); en effet supposons que tous les phénomènes physiques à la base
du fonctionnement des horloges précédentes se mettent à accélérer dans
la même proportion, y compris les phénomènes biologiques liés à la vie,
à la vie de l’homme en particulier; si nous supposons également que les
phénomènes n’ayant pas une évolution linéaire par rapport aux phénomènes de
la classe précédente garde toujours la même loi d’évolution par rapport
à ces derniers; si cette accélération générale est la même partout dans
l’univers, il n’y a aucun moyen de s’en rendre compte; de telle manière que
cette accélération ne correspond pour le physicien à aucun élément de
réalité puisqu’elle est indécelable. Par contre, si les horloges en un certain
endroit accélèrent par rapport aux horloges placées à un autre endroit ou
animées de vitesses différentes, il y a moyen de s’en rendre compte. Ceci se
produit effectivement en Relativité restreinte et générale et correspond au
fait qu’il n’existe pas de temps absolu. Étant donné que l’énergie est la
mesure du mouvement, cette variation du mouvement liée à la variation
de l’écoulement du temps d’un endroit à un autre dans l’univers, pose
des difficultés pour définir l’énergie globalement dans l’univers.
Il
faut insister sur l’universalité de cette classe d’horloges en ce qu’elle fait
intervenir n’importe quel phénomène physique. En particulier chacune des
quatre interactions, gravitationnelle, électromagnétique, forte et faible
peut être utilisée, chacune donnera le même résultat. Cela montre déjà
qu’il y a un lien entre toutes ces interactions, ce qui encourage à essayer
de les unifier. Les vieilles horloges à balancier fonctionnant grâce à des
phénomènes purement mécaniques faisant intervenir les lois de l’inertie
et de la gravitation, la durée de vie d’un état excité, que ce soit un état
faisant appel à l’interaction électromagnétique (chute d’un électron d’un
niveau excité à son fondamental) ou faisant appel à l’interaction faible
(désintégration de certains noyaux radioactifs), tous peuvent également servir
d’étalon de temps.
C’est cette universalité et le fait qu’elle recouvre
l’ensemble des interactions qui permet à la notion d’un temps propre local
unique d’exister. Nous verrons cependant au paragraphe suivant qu’on
peut concevoir également qu’il puisse exister plusieurs temps différents. Le
fait que le mouvement global (avec une mesure spécifique pour chaque
mouvement) de l’ensemble des objets dans l’univers reste proportionnel au
mouvement des horloges étalons correspond à la conservation de l’énergie
pour l’univers, donc pour un système fermé, et est lié à l’homogénéité du
temps.
Venons en maintenant à ce qui concerne la mesure des distances. Cette mesure
nécessite la reconnaissance d’une classe d’objets qui pourront servir d’étalons de
longueur. Comment allons nous reconnaître qu’un objet appartient à cette classe?
La propriété fondamentale est que dans notre espace physique, certains
objets gardent le même aspect les uns par rapport aux autres, et ceci qu’on les
laisse dans un même lieu ou qu’on les déplace à un autre endroit. Ce sont ces
objets, possédant cette propriété qu’on appel les corps solides. Précisons ce
que veut dire le fait de garder le même aspect les uns par rapport aux
autres : si dans une certaine boîte je peux juste ranger 50 billes et si je
transporte à 1000 km de là la boîte et les billes, je pourrais encore mettre
exactement les 50 billes dans la boîte. Imaginons qu’à 1000 km de là il
fasse plus chaud. La boîte se sera dilatée. Si les billes sont constituées du
même matériau que la boîte, elles se seront dilatées de la même manière et
tiendront encore exactement dans la boîte. Je risque de ne me rendre compte
de rien! Comment puis-je donc savoir que la boîte s’est dilatée? Je m’en
rendrai compte en comparant son aspect avec celui d’un objet qui lui, ne
se sera pas dilaté; soit parce qu’il est en un matériau qui se dilate très
peu, soit parce que je l’aurai maintenu à température constante. Mais
comment puis-je savoir si c’est la boîte qui a grandi ou l’objet précédent
qui est devenu plus petit? Simplement parce qu’il y a beaucoup de corps
qui se dilatent de manières différentes et changeront d’aspect les uns par
rapport aux autres, et il apparaîtra un ensemble d’objets qui gardent le
même aspect les uns par rapport aux autres, ces objets se distinguant
nettement des autres. La notion est assez délicate car nous avons vu que des
objets tous constitués du même matériau se dilatant pareil pourraient
constituer une telle classe d’objets. Disons que la classe choisie doit être la
plus vaste possible et présenter un caractère universel. C’est justement
la possibilité de trouver une telle classe, et de trouver et d’éliminer les
facteurs parasites modifiant la taille du corps, comme les variations de
température ou de pression, qui à nos yeux sont à la la base de la construction
de la notion de corps solide (plus précisément solide étalon, totalement
insensible à la dilatation par exemple) puis de celle d’étalon de distance qui en
découle.
La classe d’objets appelés solides et les propriétés correspondantes permettent
en effet par l’étude expérimentale de construire la géométrie et de voir
si l’espace est euclidien ou non. Ainsi, une chaîne dont les maillons sont
des anneaux solides permet en étant tendue d’obtenir une ligne droite.
En prenant des maillons de plus en plus petits, on arrive à la limite à la
ligne droite mathématique sans épaisseur.
Le problème se pose alors
par exemple de savoir si la somme des angles d’un triangle vaut 1800. On
rapporte que le mathématicien allemand Carl Friedrich GAUSS (1777-1855)
construisi un triangle entre trois sommets dans les montagnes du Hartz
pour voir si la somme des angles intérieurs faisait 1800 . Il supposait que la
propagation de la lumière est rectiligne, au sens où la lumière suit le même
chemin qu’une chaîne tendue (donc de longueur minimale entre deux points);
résultat qui est faux en Relativité générale (voir exercice 12.2). Bien sûr, aux
incertitudes expérimentales près, il trouva que l’espace physique est euclidien, les
effets de la gravitation terrestre sur la géométrie de l’espace étant bien trop
faibles.
Nous voyons le parallèle très frappant entre cet ensemble d’objets gardant le même aspect les uns par rapport aux autres appelés corps solides et la classe des phénomènes pouvant servir d’horloges lorsque nous nous sommes préoccupés de la définition du temps. La construction de l’espace comme celle du temps fait donc appel à des régularités; celle-ci sont tout à fait analogues dans les deux cas. Nous avions vu que si toutes les horloges accéléraient de la même manière, cela ne serait pas décelable. De la même façon, si tous les corps solides rapetissaient de la même manière partout, il n’y aurait aucun moyen de s’en rendre compte et cela ne correspondrait à aucune réalité physique. En fait, dans notre esprit, la notion de longueur prend par habitude un caractère absolu qu’elle n’a pas! En effet, toute longueur est relative à un objet pris comme unité et la mesurant (encore la relativité!).
Si un solide se déforme dans un champ de gravitation ou d’accélération, on en
trouvera un autre qui se déformera différemment (plus rigide par exemple). Par
comparaison de ces différentes déformations, il doit être possible d’atteindre la
classe des objets parfaitement solides qui ne se déformeront pas du tout dans le
champ de gravitation considéré. Ces objets pourront servir d’étalons de
longueur fiables pour mesurer l’effet décrit au
§ 9 . (voir première phrase du
§ 9 ).
12. Deux temps différents? - Le modèle que nous avons pris pour décrire un
espace non euclidien suppose qu’il existerait deux classes d’objets : une classe
d’objets indéformables les uns par rapport aux autres que l’on appelle les solides, et
un substrat invariable par rapport auquel les objets de la classe précédente peuvent
grossir ou se rapetisser. Bien sûr, comme nous l’avons dit, ce n’est qu’un modèle. Il
n’est pas nécessaire d’avoir ce substrat invariable pour pouvoir décrir la structure
d’espace non euclidien. Mais ceci nous fait penser qu’on peut concevoir
deux classes d’objets étalons différents pour construire la notion de temps.
MILNE en 1935 proposa une théorie cosmologique dans laquelle il y a
deux temps différents, c’est à dire deux classes différentes de phénomènes.
Dans chaque classe, les évolutions des phénomènes sont proportionnelles et
permettent de définir un temps, mais il n’y a plus proportionnalité pour
les évolutions des phénomènes des deux classes différentes.
MILNE
distingue le temps dynamique qui est lié à la Mécanique, c’est à dire au fond à
l’interaction gravitationnelle, et le temps cinématique lié aux phénomènes
atomiques donc au fond aux autre interactions que la gravitation. Le temps
dynamique correspond par exemple au principe de l’inertie. Dans un
référentiel galiléen, ce temps peut être mesuré par le chemin parcouru
par une particule libre : elle parcourt des longueurs égales en des temps
égaux. Le temps cinématique t correspond par exemple aux fréquences
des transitions atomiques, donc au temps mesuré actuellement par les
horloges atomiques.
La relation entre t et est supposée égale à
:
13. Effet SHAPIRO : retard des échos radars.- Considérons maintenant un
signal radar émis depuis la Terre et allant sur Mercure en rasant le Soleil, puis
revenant par le chemin inverse (fig. 7.6).
En passant près du Soleil, on arrive dans une zone où les règles unités de longueurs
sont “plus petites ”et le temps s’écoule “plus lentement”. Un observateur dans un
référentiel galiléen utilisant les règles étalons et les horloges étalons locales, trouve
la valeur invariante C pour la vitesse de la lumière qui est également celle des
signaux radar. Souvenons nous maintenant (cf § 6 et § 7 chapitre 3) que nous avons
supposé que l’accélération n’a pas d’influence sur l’écoulement du temps et la
longueur des règles étalons. Il en résulte qu’un observateur immobile dans le champ
de gravitation du Soleil, et non pas en chute libre comme le référentiel galiléen,
trouvera toujours C pour la vitesse de la lumière, et ceci quelle que soit sa
position. L’observateur utilise bien sûr, et répétons le, les règles étalons
locales et les horloges étalons locales pour cette mesure. La somme des
temps locaux étalons mis pour franchir les l règles étalons mises bout à
bout est donc : = .
Considérons pour simplifier le calcul que
le signal radar fait pratiquement l’aller et retour au Soleil. 2r étant la
circonférence de la trajectoire de la Terre, et l étant le nombre de règles unités
étalons mises bout à bout et reliant la Terre au Soleil, nous avons l > r et
:
On comprend alors, en examinant la figure 7.7 , pourquoi l > r, sans avoir à
considérer que les objets rapetissent près du Soleil. Ce qui compte, c’est la
structure d’espace non euclidien. On peut prendre ensuite, pour visualiser la
structure, le modèle qu’on veut.
Les observations de l’effet SHAPIRO
débutèrent dans les années 1960 avec des échos radar sur Mercure et sur Vénus.
Plus tard, les vaisseaux spatiaux furent utilisés, comme Mariner et les
Vikings. Les données des Vikings vérifièrent la prédiction théorique à 0,1 %
près.
Le paramètre r tel que la circonférence de l’orbite terrestre soit égale à 2r est bien celui qui intervient dans la troisième loi de KEPLER = Cte vraie avec une très grande précision, même en Relativité générale (voir chapitre 16), et donc correspond bien à la distance de la Terre au Soleil calculée dans le cadre de la Mécanique newtonienne. C’est également cette valeur qu’on obtient pour la circonférence en mesurant la vitesse de la Terre sur son orbite par le décalage DOPPLER de la lumière des étoiles, et en considérant qu’elle fait un tour en un an. Ainsi il n’y a pas d’ambiguïté sur le calcul du temps que devrait mettre l’écho radar en Mécanique newtonienne. Ce calcul oublie simplement les distorsions de l’espace et du temps qui ne sont significatives qu’au voisinage du Soleil et n’interviennent pratiquement pas (à part une très faible précession du périhélie de la Terre) au voisinage de la Terre. Il y a donc bien la possibilité de mesurer avec précision et sans ambiguïté le retard dû aux effets de la Relativité générale. L’écho radar est une sonde allant examiner ces effets de Relativité générale au voisinage du Soleil.
14. La loi de la gravitation en Relativité générale. - Dans les paragraphes
précédents, nous avons envisagé quelques conséquences du principe d’équivalence.
Cependant, ce principe ne représente qu’une partie de la Relativité générale. Il
permet de savoir quelles sont les lois physiques en présence d’un champ de
gravitation; c’est-à-dire au fond, comment se comportent les choses dans un tel
champ. Cela correspond à la loi dynamique analogue à la loi F = m de la
Mécanique newtonienne, F étant donnée. L’autre partie de la Relativité générale,
doit être constituée de la loi de force, analogue à la loi de la gravitation universelle.
Elle doit indiquer comment les masses crèent un champ de gravitation. C’est
cette partie que nous allons commencer à aborder dans ce paragraphe. Le
traitement complet donnera ce qu’on appelle l’équation du champ d’Einstein.
Le principe d’équivalence au sens fort nous mènera à l’équation du
champ d’Einstein (comme nous l’avons déjà mentionné ci-dessus, cf § 1
chapitre 7). Ainsi la loi dynamique nous donnera automatiquement la loi de
force, ces deux lois étant donc intimement reliées en Relativité générale.
Reprenons le raisonnement fait aux paragraphes 18 et 19 du chapitre
5, mais avec des masses gravitationnelles.
Considérons donc une
barre (1) immobile dans R, et une barre (2) immobile dans , avec les
masses volumiques 1 et 2 telles que 1 = de façon à ce que les
deux barres attirent de la même manière dans R (voir § 14 chapitre 6). Il
est clair que dans la barre (1) attire plus que la barre (2). Pour lever
la contradiction, il faut admettre qu’il existe un effet gravitationnel lié
à la vitesse des barres.
Nous savons que si la masse volumique de
matière agissant gravitationnellement est 0 dans le référentiel R0 où l’objet
est au repos, il lui correspondra une masse volumique apparente agissant
gravitationnellement égale à 0 /(1 - v2/C2) dans un référentiel où l’objet est animé de la
vitesse v.
Considérons le tenseur T = 0C2UU. D’après (5,55), les produits de grandeurs composantes de tenseurs sont bien en effet encore les composantes d’un tenseur. 0 est la masse volumique dans le référentiel R0 où la matière étudiée est au repos; c’est donc un scalaire invariant ou tenseur d’ordre 0. Ce qui agit gravitationnellement dans tout repère, c’est :
En électromagnétisme nous écrivons la loi exprimant comment les charges crèent
le champ, soit à partir de la loi de COULOMB en utilisant la charge électrique q
qui est un tenseur d’ordre 0 (scalaire invariant), soit avec le quadrivecteur courant
qui en découle et qui est un tenseur d’ordre 1 (équation (5,77) et (5,97)) . Le
premier cas est obtenu quand on considère que les sources du champ sont des
particules élémentaires ponctuelles. Le deuxième cas est obtenu quand on
considère qu’on a une densité volumique de charge.
De la même
manière, en Relativité générale, nous pouvons utiliser l’équivalent de la loi
newtonienne de la loi de la gravitation universelle, et nous avons vu que
ce n’est pas m seule qui intervient mais toutes les composantes P du
quadrivecteur impulsion-énergie des particules (confère § 4 du chapitre 6). (P) est
un tenseur d’ordre 1. On peut alors utiliser le tenseur d’ordre supérieur
donc ici 2 qui en découle pour une densité continue de matière énergie, et
c’est le tenseur d’impulsion-énergie (T). D’où le tableau suivant (fig.
7.8).
Le tenseur d’impulsion-énergie qui est source de l’interaction gravitationnelle joue de ce fait un rôle central en Relativité générale; c’est pourquoi nous consacrons le chapitre suivant à étudier ses propriétés. Ce faisant, nous nous familiariserons avec les tenseurs étudiés au chapitre 5.
En conclusion de ce chapitre, mentionnons une dernière remarque, fondamentale
pour comprendre la différence de structure entre l’électromagnétisme et la
gravitation : En électromagnétisme, aussi bien A que j sont des quadrivecteurs.
On peut montrer qu’un tel formalisme conduit nécessairement à une force répulsive
entre deux charges identiques. La force gravitationnelle entre deux masses
identiques étant attractive, le champ gravitationnel ne peut pas être un champ
vectoriel. Le plus simple est de prendre un champ tensoriel d’ordre 2, dont la source
est également un champ tensoriel d’ordre 2 : T (voir également (14,9) par
exemple).
Le fait que le champ gravitationnel soit entièrement décrit par un
champ tensoriel sera crucial dans la construction des équations de la Relativité
générale. Il est toujours possible d’envisager en plus d’autres champs, scalaires,
vectoriels, tensoriels. Tel est le cas dans la Théorie de BRANS-DICKE qui contient
un champ scalaire en plus. L’expérience a tranché par la simplicité en invalidant la
Théorie de BRANS-DICKE.
EXERCICES
Montrez que l’on peut retrouver la valeur du rayon de SCHWARZSCHILD d’un trou noir en exprimant qu’à la distance rs du centre de l’astre, la vitesse de libération est égale à C.
Calculez, dans le cadre de la Mécanique newtonienne, le temps de chute depuis la distance R jusqu’à la distance rs d’une particule en chute libre ayant une vitesse nulle à l’infini.
1. Montrez que le champ gravitationnel du Soleil peut être considéré comme un
milieu possédant l’indice de réfraction n = 1 + .
2.En supposant que la
trajectoire des rayons lumineux est approximativement rectiligne dans le champ de
gravitation du Soleil, en déduire le retard des échos radars faisant l’aller et
retour de la Terre à Mercure, lors d’une conjonction supérieure, en rasant le
Soleil.
3. Application numérique :
r = 6, 96 108 m
Distance de la Terre au Soleil :
rT = 1, 496 1011 m
Distance de Mercure au Soleil : rM = 5, 789 1010 m
M = 1, 99 1030 kg ; C = 3 108 m/s
G, constante de la gravitation universelle :
G = 6, 67 , 10-11 S.I.
a. Calculez rs
b. Calculez le retard de l’écho radar.
c. Conclusion?
4. Utilisez le principe d’HUYGENS pour la
propagation d’un front d’onde pour déduire de la question 2 la formule
donnant la déviation d’un rayon lumineux rasant le Soleil, déviation due à
l’attraction gravitationnelle du Soleil.
5. Application numérique.
6.
Conclusion?
En Mécanique quantique non relativiste, on peut, comme dans l’exercice 4.1 ,
associer une onde de longueur d’onde = à une particule d’impulsion P.
On ne parle plus alors de la fréquence de l’onde.
1. Montrez que ce
formalisme est en accord avec la Mécanique newtonienne pour la réfraction
de la trajectoire d’une particule au passage d’une barrière de potentiel
rectiligne de profondeur U0, les vitesses pouvant être aussi grandes qu’on veut.
2.Retrouvez, en utilisant ce formalisme, avec l’indice de réfraction de
l’exercice précédent, et le résultat newtonien de la déviation d’une particule
animée de la vitesse C (exercice 1.2), la déviation de la lumière par un
astre.
En utilisant l’indice de réfraction calculé dans l’exercice 7.3 , et la loi de la réfraction n sin i = Cte, calculez directement la déviation d’un rayon lumineux par un astre. On étudiera la trajectoire d’un tel rayon en considérant qu’il est faiblement dévié.
On considère deux horloges H1 et H2 immobiles sur l’axe des x du référentiel R
à l’instant t = 0 et animées de l’accélération constante g > 0. L’horloge H1 est à
gauche de H2 . Elles sont séparées par la distance constante a.
À l’instant t
du référentiel R, elles sont immobiles dans le référentiel animé de la vitesse
v = gt par rapport à R.
1. En étudiant les temps propres 1 et 2 indiqués
par ces deux horloges, vus dans R et dans , montrez que l’horloge H1 retarde sur
l’horloge H2 dans le référentiel R0 dans lequel les deux horloges sont constamment
immobiles (le référentiel R0 n’est pas galiléen, et a l’accélération g); et montrez que
: